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Notorious BIG
Conclusions
En résumant à la fois les « questions européennes » de cette lettre en entier, je pense
que mon scepticisme envers la supposée paire d’opposés musique « africaine » ou «
afro-américaine » versus musique « européenne » a deux sources principales : (1) musicologique,
parce qu’aucune définition satisfaisante n’a été apportée et (2) idéologique.
Cette dernière est particulièrement importante, non seulement parce que la
dichotomie impliquée pré-ordonne certains ensembles de sentiments et d’attitudes
pour une race et les nie pour l’autre, mais aussi parce qu’elle réduit le problème complexe
de classe à une question de race ou d’ethnicité.42 Bref, si nous ne résolvons pas
38. « Our Father, who art in heaven, hallowed be thy art » contient un jeu de mots, impossible à traduire en
français, qui était complètement involontaire. Merci à Will Straw (Montréal) de m’avoir indiqué, en septembre
2005, cet aspect peu astucieux d’une expression formulée voilà plus que dix-huit ans.
39. House nigger : esclave noir docile promu au rang de serveur dans la maison du seigneur blanc et traité
par ceci de fou du roi.
40. Jimi Hendrix détestait l’attitude stéréotypée de « mauvais gars » que les audiences blanches s’attendaient
de lui. Voir Chris Welch, Hendrix. London : Ocean Books (1972). Note de Martine Rhéaume (traductrice)
: « Voir à ce sujet le Chevalier de Saint-Georges, compositeur, violoniste et chef d’orchestre
noir ayant oeuvré à Paris et en Autriche et ayant reçu les compliments de Mozart.
41. Par exemple, Treemonisha de Scott Joplin (1911-1915) a échoué, pas parce c’était une oeuvre mal faite,
mais parce qu’aucun imprésario (blanc) ne voulait réaliser un opéra écrit par un noir. Cf. Peter Gammond.
Scott Joplin and the Ragtime Era :98-100. London : Sphere Books (1975).
42. Ça ne veut pas dire que l’oppression raciale et ethnique sont des parties non importantes de la société
de classes états-unienne. Lisez jusqu’à la fin, s.v.p.
P Tagg: Lettre ouverte à propos des musiques « noire » et « blanche » 21
le conflit oedipien que nous semblons avoir avec notre-père-blanc-qui-est-en-europeque-
son-art-soit-sanctifié, nous risquons de ne jamais comprendre comment la situation
et les idées des prolétariats européens (ruraux et urbains) et des africains (ruraux
et, plus tard, urbains), telles qu’exprimées en musique, ont été capables de s’acculturer
de façon aussi efficace au cours des dernières trois siècles en Amérique du nord, et,
de ce fait, à poser les fondations de ce qui est devenu la musique populaire des É.-U.
— l’ensemble de traditions musicales le plus répandu pendant une bonne moitié du
XXe siècle. Si on ne se confronte pas aux problèmes soulevés dans cette lettre, je
crains que l’apartheid, que nous tous prétendons détester, peu importe si on en
présente son image directe ou inversée, ne disparaisse jamais de nos réflexions sur la
musique. Il sera plus important encore, bien que très difficile, de se débarrasser d’un
système politique maladif qui utilise le racisme comme un des mécanismes les plus insidieux
dans la perpétuation d’une société de classes.
E:\M55\ARTICLES\LettrOuv2.doc.DCC 22 September 2005
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