"L'écologie a toujours été le fil rouge de mon engagement"
Un interview de José Bové recueilli par Mathieu Ecoiffier dans Libération
En juin 2009, José Bové conduira aux européennes la liste Europe Ecologie dans le grand Sud-Ouest. Pour la première fois, l’ex-candidat à la présidentielle (1,32 %) explique pourquoi il a choisi de rejoindre la «galaxie écologique» avec Daniel Cohn-Bendit, les Verts et les amis de Nicolas Hulot.
Après avoir été le candidat «antilibéral-unitaire» en 2007, cette aventure «écolo-unitaire», c’est un changement de pied ?
J’y vois surtout une continuité. Pour les européennes de 2004, j’avais soutenu dans ma région Gérard Onesta, le candidat des Verts. Sur son bulletin de vote, il y avait déjà ma signature et celle de Dany Cohn-Bendit. Ce devait être un signe. Le fil rouge de mon engagement a toujours été l’écologie : de la bataille fondatrice contre l’extension du camp militaire du Larzac dans les années 70, aux combats, plus récents, contre le nucléaire, l’agriculture productiviste, les OGM, la marchandisation de la planète ou pour le droit à la souveraineté alimentaire. Cette histoire est profondément liée à l’Europe, car les paysans, avec la politique agricole commune, en sont les plus vieux praticiens.
La présidentielle n’aura finalement été pour vous qu’une parenthèse ?
La campagne de 2007 a été un moment important de mon engagement politique pour expliquer le rapport entre les effets de la mondialisation libérale et l’urgence d’une autre politique économique et sociale en France et en Europe. Elle a permis aussi de rendre visibles les combats au quotidien de tous les invisibles.
Vous le noniste, allez-vous partager l’estrade avec des partisans du traité constitutionnel européen ?
En 2004, lors du congrès de la Confédération paysanne, au Parlement européen à Strasbourg, nous nous sommes engagés pour le non au référendum au vu d’un projet que nous jugions inacceptable. D’autres, comme Dany Cohn-Bendit, estimaient alors que ce projet permettrait un petit pas en avant. Aujourd’hui, nous nous retrouvons sur la même liste parce que, fondamentalement, nous sommes tous d’accord pour dire, comme nous l’avons écrit dans le manifeste de notre rassemblement, que le projet écologique est incompatible avec l’ultralibéralisme. Ce qui nous réunit, c’est la vision d’une autre société guidée par d’autres impératifs que la croissance et les profits. C’est aussi la volonté de changer le contenu des politiques européennes. Voilà pourquoi, d’ailleurs, avec Dany Cohn-Bendit, nous menons d’ores et déjà campagne contre le renouvellement de la Commission Barroso en 2009.
Comprenez-vous que certains militants se sentent désorientés sinon trahis ?
Certains m’ont fait part de leur désaccord. Je respecte leur point de vue. D’autres apprécient une démarche qui consiste à regarder devant, plutôt que dans le rétroviseur. Il y a quand même une vraie difficulté de l’arc de force du non de gauche à articuler des solutions sur la crise qui prennent en compte le défi planétaire de la crise climatique. Beaucoup restent sur une logique archéo-souverainiste dans le cadre étroit de l’Etat-nation : enfermons-nous entre nous, et ça ira mieux comme ça!
Est-ce la résurgence d’un protectionnisme de gauche ?
Il faut une dose de protection pour limiter les conséquences d’un libéralisme économique à tous crins qui profite toujours aux plus forts. Les pays du Sud, par exemple, devraient pouvoir ériger des barrières douanières pour se protéger du dumping des pays du Nord. On ne peut construire le droit à la souveraineté alimentaire sans remettre en question l’idéologie libre échangiste de l’OMC[Organisation mondiale du commerce, ndlr] et dénoncer le fonctionnement de cette institution multilatérale au profit des transnationales et des pays les plus riches.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire