mercredi 20 mai 2009

"l'écologie, c'est ni demain ni peut-être, mais maintenant"

INTERVIEW

José Bové, leader d’Europe Ecologie avec Cohn-Bendit, dénonce un «hold-up» sur la campagne.

Par MATTHIEU ECOIFFIER

José Bové, tête de liste d’Europe Ecologie dans le Sud-Ouest, était hier invité par Ségolène Royal à une «université populaire participative» sur la thématique Europe-Afrique. Un paradoxe alors qu’il dénonce avec Daniel Cohn-Bendit la «nationalisation» par le PS et le Modem de cette campagne.

Pourquoi dénoncez-vous une confiscation de la campagne des européennes ?

Il y a un hold-up organisé sur cette campagne. Un détournement manifeste par tous ceux qui pensent à la présidentielle, plutôt que de parler d’Europe. Je pense au triptyque Sarkozy-Bayrou-Hollande. Aujourd’hui, nous n’avons pas d’interlocuteurs. Nous parlons d’urgence sociale et écologique, et on nous répond : présidentielle de 2012. Avec Dany, on est les seuls à proposer la mise en place d’une assemblée constituante, élue à la majorité des citoyens pour refonder les droits et le fonctionnement de l’UE. Ce serait intéressant qu’on débatte de ça. Mais ils sont tous enfermés dans leur affaire.

Daniel Cohn-Bendit accuse Bayrou de faire dérailler la campagne…

Il y a des Européens convaincus chez les centristes. Sauf que la volonté messianique de Bayrou pour 2012 prend le dessus. De son côté, Nicolas Sarkozy a bien joué en amenant le PS et le Modem sur 2012 et le terrain du vote sanction, qui est un piège total dans lequel ils sont tous tombés. Et, le soir du 7 juin, Sarkozy va dire : «J’arrive en tête, donc c’est moi le meilleur, c’est moi le chef.» Même si le score de l’ensemble de la gauche est supérieur à celui de l’UMP.

Le débat sur l’Europe ne passionne guère les Français…

Au niveau des télés, le débat est indigent. Y compris pour la soirée électorale du 7 juin, où l’on va se retrouver avec le service minimum. Au Parlement européen, les Verts sont le quatrième groupe politique. Or le CSA nous traite comme toutes les formations qui n’ont pas de groupe parlementaire national. Europe Ecologie va donc se retrouver avec un temps de parole de trois minutes alors que les autres ont droit à vingt minutes. C’est scandaleux. Et cela résulte d’un mauvais coup du Parti communiste. Avec son groupe au Sénat, le PCF a légitimement demandé vingt minutes pour le Front de gauche qu’il partage avec Jean-Luc Mélenchon. Mais, à l’Assemblée nationale où il fait groupe commun les Verts, le PCF a mis un veto à ce qu’Europe Ecologie puisse bénéficier du même temps de parole. C’est d’un mesquin ! Cela explique que beaucoup de gens ne comprennent rien aux enjeux de cette élection.

Quels sont les enjeux du 7 juin ?

C’est l’élection la plus importante pour l’avenir… Au sommet de Copenhague en décembre prochain, la nécessité de réduire globalement de 50 % les émissions de CO2 d’ici à 2020 - et donc de 80 % en Europe - va imposer un véritable bouleversement de nos modes de production et de consommation. On est dans une logique d’emballement climatique… Si on n’est pas capables de prendre aujourd’hui les bonnes décisions pour organiser la reconversion écologique de l’économie, on va dans le mur.

Les Français sont surtout inquiets de la crise…

Face à l’urgence, il faut agir de suite. Ni demain, ni peut-être, c’est maintenant qu’il faut choisir. Nous proposons des mesures concrètes pour sortir du modèle productiviste, comme le revenu universel de formation pour assurer la mutation écologique de l’économie, par exemple pour les salariés de l’automobile… On n’invente pas la lune, mais cela correspond aux besoins sociaux.

Quelle utilité d’envoyer des écolos à Strasbourg ?

Le Parlement européen ne fonctionne pas comme l’Assemblée nationale. Il y a une plus grande diversité qui fait que c’est sur les textes et les amendements que se créent des majorités. A Strasbourg, le groupe vert, du fait de la radicalité de sa pensée et de son expérience du Parlement, est un groupe central - et non pas centriste - pour amener des propositions novatrices. Les socialistes au sein du PSE cogèrent, eux, de façon scandaleuse avec le PPE la politique libérale responsable de la crise.

Vous voilà pragmatique quand Olivier Besancenot appelle, lui, à la grève générale…

Il est dans un discours incantatoire. Le Grand Soir, pourquoi pas, mais qu’est ce qu’on fait au quotidien en attendant ? Dans cette campagne, on est les seuls à porter une alternative concrète. On n’est pas dans le hors-sol.

Quel score devez-vous faire pour être élu dans le Sud-Ouest?

Au moins 8 %.

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