dimanche 18 avril 2010

Préliminaires - Lettre ouverte à propos des musiques « noires », « afro-américaines » et « européennes » par Philip Tagg 1/9

Michael Jackson

Lettre ouverte à propos des musiques « noires », « afro-américaines » et « européennes » par Philip Tagg


(1ère version française, septembre 2005

par Marie-Laure Boudreau, Martine Rhéaume et Philip Tagg)

La première et, jusqu’ici, seule version de ce texte, qui date du 4 mai 1987, est en anglais et a été envoyée à certains collègues chercheurs en musique populaire, afin d’être commentée. Le texte a été réédité le 14 juin 1987 et envoyé à la revue Popular Music (Cambridge University Press) qui l’a publié dans son volume 8/3 (1989, pages 285-298) dans la section Debate. Cette lettre ouverte se voulait un article d’opinion, s’adressant principalement aux collègues chercheurs en musique populaire, blancs, européens et nord-américains. Veuillez prendre note que l’Union Soviétique existait encore en 1987 et qu’il était toujours, à cette époque, politically correct de dire Afro-American au lieu de African-American. Les seules différences entre le texte original et cette traduction sont de nature soit linguistique (surtout les expressions familières quotidiennes), soit explicative (surtout les concepts typiquement anglophones et la mise à jour de certains détails spécifiques à la fin des années quatre-vingt.


Préliminaires


Depuis quelques années, j’éprouve une irritation croissante chaque fois que je tombe sur des termes tels musique noire, musique blanche, musique afro-américaine et musique européenne1 dans les articles et les discussions sur de la musique populaire. Mises à part les quelques fois où je me suis moi-même échappé, j’ai vu ou entendu l’un ou plusieurs de ces termes, utilisés d’une façon plus ou moins correcte, aussi bien par les étudiants que par les collègues. À chaque fois, je trouvais cela inquiétant. D’où cette lettre, que j’ai écrite principalement à l’attention de ces étudiants, amis et collègues majoritairement blancs, d’Europe ou d’Amérique du Nord. En raison de la sensibilité générale ressentie par la plupart des lecteurs face aux questions à la fois culturelles, ethniques et raciales, j’ai choisi de présenter ce que j’ai à dire ici sous la forme d’une lettre. Il ne s’agit pas d’une attaque envers quiconque ni d’une bagarre académique où je cite, fidèlement ou non, déforme, ou essaie de révoquer l’opinion de quelqu’un d’autre sur le sujet. Tout de même, ce qui suit est destiné à quiconque s’intéresse à la musique et qui, tout comme moi, a déjà utilisé des termes comme musique « noire », « blanche », « afro-américaine » ou « européenne », sans avoir

toujours une idée précise de leur signification. Le but premier est ici de souligner quelques-unes des questions importantes que je sentais tapies derrière l’utilisation de ces termes. Si jamais le lecteur avait déjà considéré les idées ici présentées, je m’excuse à l’avance d’avoir offensé sa susceptibilité et son intelligence, ainsi que de lui avoir fait perdre son temps. Dans le cas contraire, j’espère que ce qui suit apportera quelques arguments pour une discussion constructive sur la musique, les races et l’idéologie.


1. Traduction littérale des termes black music, white music, Afro-American music et European music.



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